IN SALAH Comme le suggère son nom en Tamachek, le Tadmaït
ressemble bien à la paume d’une main tendue et plate. C’est un
plateau calcaire, évidemment inculte et d’une monotonie mortelle. Ses
rebords, ravinés par une corniche audacieuse, plongent dans la fournaise
d’une dépression sableuse qui abrite des villages typiquement
sahariens. Le désert vrai commence à In Salah et sa région le Tidikelt.
In Salah fait partie de ces oasis, de ces nefs sahariennes qui naviguent
à vue, entre l’enfer des vents de sable et la géhenne de l’été, une
saison où le mercure descend rarement au-dessous de 50°. Mais cette
ville est également un paradis, couleur de miel fondu sur des jardins en
vert, bruissant de sources murmurantes. Elle est pleinement le fait des
hommes, le fait de leur courage ! Les montagnes de sable, qui
enveloppent la ville, imposent une bichromie discrète à cet ensemble,
que les hommes par mimétisme ou par considération, ont repris à leur
compte, en créant d’autres nuances, d’autres tons identiques et
respectueux, car les différences brutales relèvent ici de la rébellion.
Le bruit même n’est pas toléré, sauf pour le vent quand il se lève en
rageant sur toute la région. Lui, a pour allié la vastitude du désert.
Le sable s’incorpore à l’homme qui subit par la bouche, par les
narines et par chaque interstice de sa demeure, une violence injuste
sourdement acceptée. Quand vient l’été, on se barricade derrière la
résignation. Chaque flaque d’ombre, dûment organisée contre le soleil
en feu, devient un lieu de ralliement possible. Chaque arbre, chaque mur
est un partenaire muet mais résolument fidèle. Dès que la furie des
éléments cesse, hommes et femmes de In Salah, patientes abeilles des
sables, reconstruisent leur nid en plus vert, en plus beau mais toujours
éphémère. Un air de révolte joyeuse s’engouffre dans l’oasis. In
Salah est en pleine mutinerie ! On reconstruit les afrags* en palmes,
pour barrer la route au vent et protéger les jardins, avec leurs trésors
de fruits arrachés de haute lutte, comme des butins de guerre. On
nettoie les Foggaras comme on nettoie des fusils; puis, sur les faîtes
des palmiers on prend d’assaut son dû en dattes, chacun selon sa
fortune. En fin de saison, on danse et on rit d’une revanche si
facile. Les mariages, groupés par vagues successives, durent pendant des
semaines. La paix revient en douceur sur la ville repue de joie. Puis,
brusquement, brutalement, l'éternel cauchemar recommence. La chaleur
épaisse redouble d’intensité, transformant la ville fantôme en
fournaise étouffante. Le cycle infernal est inévitable. Les gens se
murent chez eux en espérant des jours meilleurs. En attendant les
saisons clémentes, les jeunes filles à marier, passent leur temps à
faire et à refaire l’inventaire du Tbak*. Comme dans tout le Tidikelt,
dans le Touat, et le Gourrara, elles mettent en tête de liste, la plus
importante des exigences : un climatiseur